A l’annonce du One Ocean Summit, l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) a pris l’initiative de mobiliser ses réseaux de coopération pour initier une contribution des jeunes chercheurs au One Ocean Summit.

Durant le mois de janvier 2022, une cinquantaine de doctorants et post-doctorants de diverses nationalités et disciplines ont travaillé de façon conjointe pour fédérer les expertises et dynamiques en présence afin de proposer un regard commun sur les enjeux de la recherche et de la formation à la recherche dans le contexte de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable. Ils visent à produire un Call for Action. La version présentée ci-dessous est un point d’étape. Sur la base de la dynamique lancée pendant le One Ocean Summit, les jeunes chercheurs impliqués appellent leurs pairs à venir les rejoindre pour enrichir le travail initié et porter le Call for Action vers la Conférence des Nations Unies sur les océans qui se tiendra à Lisbonne fin juin 2022.

LA GOUVERNANCE DE L’OCÉAN FACE AU CHANGEMENT

© Denis BAILLY | UBO

Renforcer les approches intégrées, horizontalement (entre tous les acteurs maritimes) et verticalement (entre les échelles locale, régionale et internationale)

La gouvernance de l’Océan doit être établie entre les différents acteurs (tels que les ONG, les agences gouvernementales, les communautés, les industries), les secteurs (tels que la pêche, les énergies marines renouvelables, la navigation), et entre les échelles locale, régionale et internationale.

  • Encourager la gouvernance polycentrique pour assurer la participation de la société civile et des acteurs du privé
  • Appliquer la modélisation participative et l’utilisation des jeux sérieux par exemple, pour dynamiser ces interactions et favoriser les approches intégrées à différentes échelle

Développer une plateforme internationale pour intégrer la recherche dans la gouvernance de l’Océan, afin de définir le bon état écologique de l’océan et d’appliquer systématiquement le principe de précaution

Une solide interface science-politique est nécessaire pour soutenir les approches de gouvernance fondées sur des données probantes :

  • Encourager la participation de la recherche à la gouvernance internationale de l’Océan dans tous ses domaines
  • Se concentrer sur les sciences expérimentales pour définir le bon état écologique de l’Océan et s’appuyer sur les sciences sociales pour évaluer la faisabilité et l’acceptation sociale des politiques publiques de l’Océan
  • Créer un groupe international sur les changements de l’Océan
UNE ÉCONOMIE DU TOURISME DURABLE QUI PROTÈGE L’OCÉAN

Façonner le nouveau tourisme de l’océan côtier

Pour soutenir le tourisme bleu, les recommandations suivantes pourraient garantir un océan sain :

  • Prévenir leur dégradation en limitant les capacités d’accueil des touristes dans les zones sensibles (ex : les AMP)
  • Gérer le flux touristique global dans les zones côtières
  • Mettre en œuvre des pratiques écoresponsables pour les activités de navigation (y compris les bateaux de plaisance et les navires de croisière), telles que des mouillages écologiques, des limitations de vitesse (c’est-à-dire des zones non bruyantes) et une limitation des croisières
  • Encourager les stations balnéaires à promouvoir des activités durables

 Sensibiliser et mettre en place une compensation financière pour les dommages

La compassion et la connexion des touristes envers l’Océan seront renforcées par leur éducation par les communautés locales.

  • Promouvoir le nettoyage des plages comme activité touristique et mettre en œuvre un ensemble de mesures pour lutter contre la pollution due au tourisme
  • Mettre en place un score sur les voyages reflétant l’empreinte carbone globale
  • Application du principe  » Vous nuisez, vous payez  » par les acteurs locaux ainsi que la mise en place d’une pénalisation des pratiques nuisibles par le biais de taxes vertes à réinjecter dans les activités de restauration
  • Interdire les infrastructures exploitant la vie marine à des fins de divertissement
OCÉANS POLAIRES

© Erwan AMICE | CNRS

Assurer un état optimal des Océans polaires

  • S’accorder sur une définition internationale de l’état des pôles à l’ère préindustrielle en termes de limites physiques et d’état de la biodiversité
  • S’engager dans une recherche plus axée sur les processus dans les régions polaires afin d’agir en fonction de l’état actuel de détérioration pour mieux préserver le bien-être de cette région unique, sa biodiversité et ses services écosystémiques

 Étendre les zones marines protégées dans les régions polaires

  • Dans l’Arctique, convertir les zones de haute mer en aires marines protégées afin que la législation s’applique à tous les États de manière égale
  • Dans l’océan Austral, mettre en œuvre de nouvelles zones marines protégées et étendre les existantes

Ces mesures limiteront également les mouvements de navires liés à la pêche, au tourisme, à la recherche, à l’exploitation des fonds marins, etc.

QUE PROTÉGER ET POUR QUI ?

© Nicolas RONCIN | UBO

Renforcer la protection représentative et la gestion durable de l’ensemble de l’Océan face à un environnement changeant

  • Définir la protection en utilisant des critères internationalement reconnus et fondés sur des critères fondés sur des preuves
  • Assurer la conservation de tous les types d’écosystèmes (y compris les corridors) de manière représentative
  • Assurer une planification spatiale marine adaptative ancrée dans des approches écosystémiques, permettant des outils de gestion dynamiques (par exemple, des AMP mobiles) et intégrant l’interface terre-mer (par exemple, pour lutter contre la pollution d’origine terrestre)
  • Sécuriser des études d’impact intégrées transparentes et des stratégies de suivi (avec coercition et récompense des meilleures pratiques)
  • Transition vers des pratiques non destructrices et restauration des écosystèmes dégradés

Renforcer l’interface science-politique-société pour construire des sociétés résilientes qui protègent les services écosystémiques

  • Transition vers des socio-écosystèmes durables afin de préserver les services écosystémiques résilients et le patrimoine culturel pour toutes les générations
  • Fonder les processus de prise de décision sur des preuves scientifiques
  • Assurer une gestion collaborative des ressources marines, avec toutes les parties prenantes, à tous les niveaux et à toutes les échelles de temps
  • Aligner les outils, les traités et les institutions pour garantir la cohérence de la gestion de l’Océan
  • Allouer des fonds suffisants pour une gestion efficace
MÉDITERRANÉE 2030

© Charline GUILLOU | UBO

Atteindre et dépasser l’engagement de protéger 30% de la mer Méditerranée

La mer Méditerranée subit une pression énorme et nécessite des actions immédiates de protection renforcée telles que :

  • Augmenter le nombre d’AMP et leur niveau de protection pour atteindre un bon état écologique
  • Mettre en place un indice de pollution (par exemple PollutoScore) pour encourager les zones urbaines à réduire la pollution le long de leurs côtes
  • Lancer un programme de suivi conjoint entre les pays méditerranéens pour mettre en œuvre des actions de restauration écologique des espèces ingénieurs de l’écosystème, en contrôlant les espèces invasives et en prenant en compte la diversité génétique
  • Utiliser les connaissances scientifiques actuelles pour mettre en œuvre des solutions fondées sur la nature communément soutenues par les scientifiques et les parties prenantes

Mettre en œuvre un programme transfrontalier afin de favoriser un intérêt mutuel pour la protection de la mer Méditerranée

Pour protéger la mer Méditerranée, un effort commun doit être mis en œuvre dans l’ensemble du bassin. Au sein des réseaux existants (MEdECC, UfMED), un programme transfrontalier devrait soutenir la création de :

  • Une formation commune pour les jeunes de la région afin de renforcer leur lien avec la mer Méditerranée
  • Mentorat dans les laboratoires côtiers pour promouvoir les activités conjointes entre les scientifiques des pays du nord et du sud
  • Un outil de financement commun pour renforcer les mesures de lutte contre la pollution, notamment dans les pays du Sud
LA SCIENCE OCÉANIQUE NÉCESSAIRE À UNE GESTION DURABLE DE L’OCÉAN

© Stéphane LESBATS | Ifremer

Encourager une science plus collaborative et ouverte, conçue avec les parties prenantes pour une meilleure gestion et protection de l’Océan

En raison des différences d’écosystèmes dans des régions environnementales distinctes, les populations locales et indigènes, les scientifiques, les ONG et d’autres acteurs marins fournissent souvent des connaissances complémentaires. Le partage et la distribution de ces connaissances générées localement sont primordiaux :

  • Faciliter la mobilité et les échanges de scientifiques, y compris les chercheurs en début de carrière, avec les acteurs marins locaux
  • Mettre en place des plateformes dédiées aux interactions entre scientifiques et politiques afin d’établir des plans d’action politiques fondés sur des données probantes
  • Augmenter le financement des sciences marines et répartir équitablement les ressources financières entre les disciplines et les géographies pour le développement de solutions concrètes afin d’aider les populations locales à s’adapter aux changements de l’Océan et d’assurer sa protection

Soutenir la recherche transdisciplinaire et holistique axée sur l’intégration, la valorisation et l’amélioration des données provenant de différents domaines afin de mieux comprendre l’Océan face aux changements

Au cours des dernières décennies, des données océaniques de différents types ont été largement collectées pour comprendre différents aspects de l’océan à différentes échelles. Nous recommandons de :

  • Développer de nouveaux outils de gestion et d’analyse des données pour faciliter la surveillance de l’Océan
  • Améliorer les pratiques de recherche durables qui ressemblent et respectent la nature
  • Intégrer les nouvelles connaissances issues des différents domaines des sciences océaniques
  • Encourager les projets transdisciplinaires pour réaliser des avancées majeures dans le domaine des sciences océaniques
QUELLE MER NOURRICIÈRE EN 2030 ?

Mettre en œuvre des utilisations et des pratiques durables de l’Océan et de ses ressources

L’océan est confronté à de multiples pressions anthropiques qui remettent en cause sa durabilité et son rôle de source de nutrition et de santé. Nous pouvons agir maintenant pour préserver ses services écosystémiques en :

  • Développer des approches écosystémiques de la gestion des pêches et des systèmes d’aquaculture multi-trophiques intégrés pour sécuriser l’approvisionnement alimentaire
  • Promouvoir le recyclage des sous-produits de la mer et la consommation de nouvelles ressources alimentaires telles que les algues, pour relâcher la pression sur les stocks fortement exploités
  • Définir des éco-scores pour tous les produits de la mer en fonction des impacts environnementaux et garantir un accès égal à des valeurs nutritionnelles élevées
  • Explorer les ressources vivantes (invertébrés, algues, …) et le biomimétisme vers des applications thérapeutiques innovantes

Promouvoir une gestion spatiale intégrée et équitable pour tous les services d’approvisionnement

L’océan est de plus en plus sollicité (aquaculture offshore, augmentation du commerce et de la navigation, énergie marine, augmentation des populations côtières), ce qui exerce une pression sur les eaux côtières. Il est nécessaire de :

  • Gérer ces activités maritimes toutes ensemble et considérer toutes les interactions homme-environnement dans une approche holistique
  • Promouvoir les synergies entre les activités et les territoires, comme l’intégration du développement des énergies marines renouvelables aux activités de pêche tout en considérant l’acceptation des communautés côtières
  • Sauvegarder le patrimoine culturel et les usages récréatifs dans le cadre de l’économie bleue en expansion
INVESTIR DANS LE BLEU, PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ AU SERVICE DE L’OCEAN

© Fanny CHÂLES | UBO

Mettre fin aux subventions néfastes et développer la finance bleue durable

  • Réorienter les flux financiers des subventions néfastes vers la protection
  • Augmenter les investissements bleus, en tenant compte à la fois de la biodiversité et du climat
  • Utiliser des outils de financement innovants (par exemple, des partenariats public-privé suivant des directives de durabilité, des marchés du carbone, inclure  » ne pas nuire  » pour l’Océan dans la taxonomie de l’UE)
  • Renforcer les capacités des gestionnaires de l’Océan et des partenaires financiers afin qu’ils puissent travailler ensemble
  • Améliorer la responsabilité de l’entreprise
  • Assurer un partage juste et équitable des bénéfices de l’exploitation des ressources marines (Océan bien commun)
  • Développer le financement de l’évaluation, de la gestion et du suivi
EDUCATION MONDIALE A LA MER ET ENGAGEMENT DE LA JEUNESSE POUR L’OCÉAN

© Manuelle PHILIPPE | UBO

Faire de l’Océan une partie intégrante d’un programme d’éducation à l’environnement

Les structures éducatives sont une solution puissante pour promouvoir l’éducation à l’Océan et sensibiliser aux menaces mondiales. Les conseils chargés de l’élaboration des programmes éducatifs des écoles devraient mettre en œuvre un programme environnemental incluant l’Océan afin de familiariser les enfants avec le monde océanique. Ces programmes devraient inclure des projets liés à l’Océan pour chaque niveau, structurés autour d’expériences interactives et personnelles basées sur la science, afin d’apprendre les biens et services fournis par l’Océan.

QUELLE EUROPE DE LA MER ?

© EU Naval Force

Faire de la protection de l’environnement un critère d’attribution systématique des fonds européens dans le secteur maritime

  • S’assurer que les projets soutenus par les fonds de l’UE remplissent des critères environnementaux et sociaux précisément définis à chaque niveau (européen, national et infranational), par exemple dans les processus de financement du FEAMP (Fonds européen pour la Mer, la Pêche et l’Aquaculture)
  • Veiller particulièrement à ce que l’équité sociale et les questions écologiques ne disparaissent pas devant les priorités économiques
  • Allouer des fonds spécifiques à la recherche sur l’état écologique et sanitaire du monde maritime et océanique

Renforcer l’expertise technique de l’UE et ses compétences dans les secteurs maritime et océanique en créant une Agence européenne de la Mer

Les pouvoirs de mise en œuvre des politiques maritimes de l’UE sont partagés entre les États membres et diverses agences (notamment l’Agence européenne pour l’environnement, l’Agence européenne pour la sécurité maritime, l’Agence européenne de contrôle des pêches et Frontex). Compte tenu de la multiplicité des questions concernant le secteur maritime, nous recommandons de créer une agence européenne unique qui :

  • Développer une vision plus intégrée de ces questions
  • Fournir une expertise solide pour contrôler le respect du droit maritime de l’UE
  • Apporter un soutien technique aux États membres
  • Faciliter l’implication du public et la participation de toutes les parties prenantes concernant les politiques maritimes et océaniques de l’UE

Avec le soutien de

See this page in: English